Je sais que lâauto-entrepreneuriat fut une aubaine pour tous les salariĂ©s lassĂ©s, les travailleurs autonomes, les Ă©tudiants, les professions solitaires et les prestataires de services. Je sais que si la micro-entreprise a le vent en poupe, ce nâest pas pour rien : câest la volontĂ© de construire soi-mĂȘme sa carriĂšre.
Et ça câest bon.
Pourquoi l’auto-entrepreneuriat ?
Tout d’abord il faut diffĂ©rencier auto-entrepreneur (ou micro-entreprise) de freelance et d’indĂ©pendant. Nous pouvons trĂšs bien ĂȘtre freelance en crĂ©ant une sociĂ©tĂ© et ne pas faire partie du statut d’indĂ©pendant en Ă©tant Ă son compte (comme les assimilĂ©s salariĂ©s des SAS et SASU). Mais ce que vous ne savez peut-ĂȘtre pas, câest que lâauto-entrepreneuriat fut une porte dâentrĂ©e, facilitĂ©e, pour la crĂ©ation d’emplois et donc, une baisse du chiffre du chĂŽmage. Lâadministratif français Ă©tant ce quâil est, et Ă lâĂ©poque en 2003, monter sa propre affaire (mĂȘme seul-e) Ă©tait extrĂȘmement rebutante. Contrairement Ă aujourdâhui, avec la masse informative et Ă©ducative que nous possĂ©dons.
IdĂ©alement, cela affranchit les salariĂ©s de leur subordination et les employeurs de leurs obligations Ă rallonge. Donc il nâest pas question pour les entreprises, passant dâemployeurs Ă clientes, dâoffrir les mĂȘmes avantages quâun salariĂ© subordonnĂ©. Et il nâest pas question pour les indĂ©pendants, passant dâemployĂ©s Ă prestataires, de ne pas travailler Ă sa maniĂšre.
âCe rĂ©gime [auto-entrepreneur] compte plus dâun million dâinscrits en 2016, pour un revenu mensuel moyen de 410 âŹâ
Wikipédia
410âŹ, vous avez vus ? La prĂ©caritĂ© des auto-entrepreneurs nâest pas seulement due Ă lâinstabilitĂ© des marchĂ©s et la difficultĂ© Ă trouver des clients, mais aussiâââvoire surtoutâââĂ leur manque de stratĂ©gie financiĂšre liĂ©e Ă une simplification des impositions fiscales : vous ĂȘtes imposĂ©s sur votre chiffre dâaffaires, et pas sur vos bĂ©nĂ©fices. Vous payez pour tous les coĂ»ts, pas sur ce qui reste sur votre compte en banque.
Câest comme ĂȘtre imposĂ© sur le coĂ»t brut de votre salaire (et non le salaire brut, soit les quelque 70% de charges supplĂ©mentaires que payent les employeurs, ce qui est supĂ©rieur au salaire brut inscrit sur votre fiche de paye), par exemple 1 700âŹ, alors que vous nâĂȘtes en rĂ©alitĂ© payĂ©s que 1 000⏠(salaire net).
Vous perdez de lâargent sur vos plus beaux devis.
Oui, vous perdez âŠ
RĂ©ussir Ă faire signer un devis Ă 10k⏠cela ressemble Ă une belle rĂ©ussite. Plus que de rĂ©ussir Ă faire signer un devis Ă 1k⏠! Mais si, dans le premier cas vous devez dĂ©bourser plus de 8k⏠ou alors consacrez 80% de votre temps de travail pour ce client-ci pour livrer la prestation ou le produit du devis (souvent câest le cas, les gros devis font les grosses charges de travail) et dans le deuxiĂšme cas seulement 500⏠ou 50% de votre temps de travail, lâĂ©quation sâinverse :
10 000⏠de CAâââ8 000⏠de coĂ»ts = 20% de marge brute soit 2 000⏠de bĂ©nĂ©fices bruts. 1 000⏠de CAâââ500⏠de coĂ»ts = 50% de marge brute soit 500⏠de bĂ©nĂ©fices bruts.
En finance, le chiffre finalâââles 2k⏠ou les 500âŹâââne sont pas reprĂ©sentatifs de la performance dâune activitĂ©. Câest la marge qui joue ce rĂŽle : nous obtenons un ratio efforts/rĂ©confort, ou plus sĂ©rieusement travail/bĂ©nĂ©fices afin de dĂ©terminer les prestations/produits qui sont les plus rentables. Maintenant, appliquons lâimposition, dans la situation oĂč le montant de lâimpĂŽt est de 20% pour tous :
Si nous sommes une personne morale (sociĂ©tĂ©) = 2 000⏠de bĂ©nĂ©fices đ 20% = 400⏠soit 1600⏠gagnĂ©s et restants sur les 2 000⏠de bĂ©nĂ©fices bruts. 500⏠de bĂ©nĂ©fices đ 20% =100⏠soit 400⏠gagnĂ©s et restants sur les 2 000⏠de bĂ©nĂ©fices bruts.
Si nous sommes une personne physique (micro-entreprise) = 10 000⏠de chiffre dâaffaires đ 20% =2 000⏠soit 0⏠gagnĂ©s et restants sur les 2 000⏠de bĂ©nĂ©fices bruts. 1 000⏠de chiffre dâaffaires đ 20% =200⏠soit 300⏠gagnĂ©s et restants sur les 2 000⏠de bĂ©nĂ©fices bruts.
Ce qui confirme qu’en tant que micro-entreprise, vous avez tout intĂ©rĂȘt Ă augmenter au maximum votre marge brute pour allĂ©ger au maximum le montant total du devis, car vous ĂȘtes redevable du montant de la facture payĂ©e par vos clients et non pas ce que vous gagnez dessus. Ainsi, les activitĂ©s purement intellectuelles (qui ne nĂ©cessitent que de lâinvestissement cognitif et immatĂ©riel) sont celles qui sâen sortent le mieux en micro-entreprise.
Vous perdez votre pouvoir dâinvestissement.
Savez-vous ce que lâimposition sur le chiffre dâaffaires signifie ? Que vous nâĂȘtes pas redevable dâimpĂŽts sur votre performanceâââvotre bĂ©nĂ©ficeâââmais sur les montants inscrits . Or le montant dâune facture nâa aucune valeur. Le montant d’une facture inclut de l’argent investir pour parvenir au rĂ©sultat, au service ou produit facturĂ©. Alors, vous ĂȘtes alors taxĂ© et facturĂ© deux fois : la premiĂšre fois lorsque vous achetez des fournitures (toutes taxes comprises, dâailleurs), la seconde fois lorsque vous dĂ©clarez les montants des factures rĂ©glĂ©es par vos clients. Il est illogique et injuste dâĂȘtre imposĂ© deux fois, n’est-ce pas ?
Alors peut-ĂȘtre que ce n’est pas si grave et que c’est le prix Ă payer pour avoir moins de paperasse, ne pas ĂȘtre obligĂ© d’avoir un comptable ou un juriste. Mais que se passera-t-il si vous souhaitez Ă©voluer ? Obtenir un super outil qui facilitera votre travail ? Si vous souhaitez dĂ©lĂ©guer pour vous spĂ©cialiser ? Vous former et progresser sur une compĂ©tence fortement demandĂ©e ? Acheter ou racheter du matĂ©riel ? Eh bien vous trouez votre bourse ou vous stagnerez au niveau oĂč vous ĂȘtes. Et vous n’Ă©voluerez jamais, car cela n’est pas rentable.
Alors oui, les sociĂ©tĂ©s sont redevables de charges externes telles que la comptabilitĂ© (environ 650⏠HT par an pour une SASU de prestation de service), la crĂ©ation de statuts et leur publication (entre 500⏠et 1 000âŹ) et quelques bonnes pratiques comme la rĂ©cupĂ©ration de toutes les factures dĂ©taillĂ©es des achats de lâentreprise, une bonne organisation de la facturation etc âŠ
Mais si ces tĂąches fastidieuses sont dĂ©lĂ©guĂ©es, oĂč est le problĂšme ? De devoir payer ? Ce ne sont que des charges fixes et ponctuelles. De devoir sortir de lâargent et augmenter les charges ? Câest vrai. Mais en allĂ©geant toutes ses charges de 20% (exonĂ©ration de TVA), et en gagnant du temps pour dĂ©velopper dâautres clients, nous nous y retrouvons. Et bien plus, car notre temps est notre cĆur de mĂ©tier, et notre cĆur de mĂ©tier est notre valorisation.
Vous ne pouvez pas vous développer.
Vous ne pouvez donc pas acheter de matiĂšres premiĂšres sans ĂȘtre doublement imposĂ©es dessus en tant que professionnel (TVA + Imposition sur le CA). Car oui, la TVA est une taxe (ou imposition particuliĂšre) qui est rĂ©servĂ©e aux particuliers. Les professionnelsâââoĂč ceux que lâon considĂšre comme professionnelsâââen sont exonĂ©rĂ©s afin de leur offrir une marge brute plus Ă©levĂ©e et favoriser les investissements interentreprises (B2B) ainsi que lâindustrie (la transformation de matiĂšres premiĂšres en un nouveau produit).
Car vous ne pouvez donc pas sous-traiter certaines prestations, vous ne pouvez offrir un produit/service irrĂ©sistible Ă vos clients et vous affilier avec des prestataires complĂ©mentaires. Vous ne pourrez pas dĂ©velopper des revenus passifs que ne demandent pas de votre temps. Vous ne pourrez pas abaisser la charge mentale qui vous pĂšse. Vous ne pourrez pas dĂ©lĂ©guer. Vous ne pouvez pas fidĂ©liser votre clientĂšle ni lâĂ©tendre car la valeur ajoutĂ©e de vos prestations restera la mĂȘme. Ă moins de renouveler son offre ou pivoter (ce qui est facilitĂ© en micro-entreprise).
Vous ne différenciez pas votre finance personnelle de votre finance professionnelle
En micro-entreprise, vous ĂȘtes responsable de l’intĂ©gralitĂ© de vos actions, mais aussi de vos dettes. Entreprendre est risquĂ©. Et l’Ă©tat permet de diffĂ©rencier les dettes personnelles des dettes liĂ©es aux risques de gĂ©nĂ©rer des richesses (et de faire tourner la sociĂ©tĂ© au passage) … mais seulement aux entreprises, aux personnes morales. De nombreux avantages sont attribuĂ©s aux sociĂ©tĂ©s car elles sont bien mieux surveillĂ©s. Car elles sont surveillĂ©s elle demandent alors une organisation des documents et des transactions, ainsi qu’un compte bancaire dĂ©diĂ©. Si ce compte bancaire flanche, vous avez toujours le vĂŽtre, de personne physique.
En tant qu’auto-entrepreneur, vous restez une personne physique Ă laquelle l’Ă©tat accorde un droit de commerce. Vos risques vous suivent jusqu’au bout de votre vie. Vous n’avez donc pas le droit Ă l’erreur.
Câest dâailleurs utile car la notion de ârentabilitĂ©â ne concerne pas uniquement la santĂ© dâune entreprise, mais aussi la santĂ© financiĂšre globale de notre vie. Cette rentabilitĂ©, donc globale, prend Ă©tabli sur lâĂ©quilibre ou le non-Ă©quilibre entre ce que lâactivitĂ© professionnelle rapporte et combien nous dĂ©pensonsâââou devons dĂ©penserâââpour vivre sereinement. Les rĂ©sultats dâune entreprise peuvent ĂȘtre positifs (en bĂ©nĂ©fices), mais sâils sont infĂ©rieurs Ă votre train de vie (vos charges personnelles), vous ĂȘtes en faillite. Câest une faillite globale : personnelle et professionnelle.
L’auto-entrepreneuriat est souvent perçu par les nouveaux entrepreneurs pour “se lancer comme ça”, “pour voir”, “en attendant”. Pourtant, l’attendant dure parfois des dizaines d’annĂ©es ! Tout simplement car ils n’arrivent pas Ă atteindre les objectifs financiers qu’ils se sont donnĂ© avant de faire le “grand saut” vers la crĂ©ation d’une sociĂ©tĂ©. Qui elle, fait peur.
Pourtant, c’est en sociĂ©tĂ© que nous arrivons le plus Ă gĂ©nĂ©rer des richesses. C’est le cas car cette structure lĂ©gale a Ă©tĂ© conçue pour gĂ©nĂ©rer de l’argent et des richesses. PassĂ© la barriĂšre Ă l’entrĂ©e de l’administration, du choix d’un comptable, le monde de l’entrepreneuriat est beau, je vous jure.
Comment pouvons-nous avoir peur Ă ce point de dĂ©lĂ©guer la sale paperasse et refuser d’investir de l’argent pour focaliser sur notre cĆur de mĂ©tier, et prĂ©fĂ©rer se faire enfler par les taxes sur notre propre salaire ?
Ăa, je vous le demande.